L'orgue Jean DALDOSSO du Temple du Salin à Toulouse

14 Juin 2008
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Au mois de septembre 2005 était inauguré le nouvel orgue du Temple du à .
En voici la description :


Temple du Salin - Toulouse

1. - CONCEPTION

Si l’essentiel de l’activité d’un facteur d’orgues consiste à restaurer et entretenir des instruments existants, la conception et la réalisation d’un orgue neuf reste toujours pour celui-ci un sujet d’exaltation, surtout lorsqu’il dispose de toute latitude pour élaborer son projet.

Le cahier des charges, élaboré par Philippe BACHET, technicien-conseil, définissait ainsi l’orientation à donner à ce projet :

« Il s’agit de doter le Temple du Salin, à Toulouse, d’un orgue de facture instrumentale artisanale […] de style romantique ou symphonique français. La conception de l’instrument, sa composition et le nombre de jeux sont laissés à l’entière liberté du facteur d’orgues. »

L’instrument devait toutefois répondre aux quatre contraintes suivantes :

- le futur instrument devra servir prioritairement à la liturgie du culte du Temple du Salin, tant pour l’accompagnement de l’assemblée ou d’une chorale que pour l’utilisation en soliste au cours des offices religieux.

- l’orgue devra servir d’instrument de concert pour l’animation culturelle de la ville de Toulouse. Il doit pouvoir être utilisé pour des concerts en soliste ou associé à d’autres instruments et à des chœurs.

- l’instrument devra posséder toutes les qualités d’un instrument « pédagogue » pour stimuler l’inspiration musicale des élèves ou étudiants de tous niveaux.

- réutilisation du buffet de de 1920.

Dessin original de J.-B. Puget

D’emblée, l’enjeu paraissait de taille : dans une ville au patrimoine si riche en orgues de diverses factures, il ne pouvait s’agir de réaliser une « copie » plus ou moins servile d’un orgue Cavaillé-Coll ou ! Il fallait faire œuvre de création et proposer un instrument qui tout en puisant ses racines dans la tradition française de la fin du 19ème siècle et du début du 20ème, puisse également apporter des éléments nouveaux quant à sa conception et à sa sonorité. Tels furent les principes qui présidèrent à la réalisation de l’orgue .

Contrairement, à un instrument traditionnel, l’orgue du Temple du Salin n’a pas de sommier « attaché » à son clavier (Grand-Orgue au premier, Récit expressif au second…). L’instrument dispose de trois plans sonores (Fonds, Solo et Grand-Chœur) accouplables à l’unisson ou à l’octave grave sur n’importe lequel des deux claviers et sur la pédale (seuls le Bourdon 32’ et le Corno dolce 4’ de pédale sont propres à leur clavier). Ce principe, inspiré des grands instruments électriques américains avec leurs nombreuses divisions flottantes, est ici réalisé de façon entièrement mécanique. L’orgue possède ainsi le nombre record de neuf accouplements et quatre tirasses pour un orgue à deux claviers ! L’étendue des claviers a été fixée à 61 notes pour les manuels et 32 notes pour la pédale afin de pouvoir y aborder tout le répertoire du 20ème siècle et contemporain sans aucune concession.

Pour aider au maniement de l’instrument, un combinateur électronique à lecteur de cartes mémoires – réalisé par Joël PÉTRIQUE – a été installé. Celui-ci est organisé en 60 espaces comportant chacun 200 combinaisons, 2 crescendos, un appel Plenum et un appel Tutti programmables. Il offre également diverses ressources destinées à faciliter le travail de l’organiste : indication du degré d’ouverture des boites, métronome, chronomètre...


2. – ALIMENTATION – MÉCANIQUE

Machine Barker

L’orgue est alimenté par cinq réservoirs, un primaire en sortie de ventilateur, un par plan sonore et un spécifique aux machines Barker. Celles-ci, réunies dans une même armoire aux portes vitrées, sont inspirées d’un modèle de Joseph MERKLIN modifié par . Une seconde armoire vitrée, à l’arrière des Barker, réunit les 13 balanciers d’accouplement et de tirasse.

Quatre sommiers supportent la tuyauterie de l’instrument : un sommier pour les Fonds et la Pédale, un sommier de Montre regroupant les jeux de Montre 8’, Salicional 8’ et Prestant 4’, un sommier pour le Solo et un pour le Grand-Chœur. La tuyauterie de ces deux plans est enfermée dans deux boites expressives de forte épaisseur garantissant un contrôle précis et efficace de leur sonorité.

Le reste de la mécanique est de conception traditionnelle : abrégés en métal sur cadre en chêne, vergettes en sapin. Le tirage de jeux est bien évidemment électrique pour permettre l’utilisation d’un combinateur. Les deux claviers sont plaqués d’ivoire et d’ébène, les bras sont en palissandre. Le pédalier en chêne a ses dièses recouverts d’un patin en ébène. Le bâti de la console est en chêne, la partie supérieure est plaquée de palissandre, d’acajou, d’alisier, et de loupe de madrona.

Console - Combinateur

 

3. – TUYAUTERIE – HARMONISATION

Sommier des Fonds

La tuyauterie est entièrement neuve, réalisée dans l’atelier du facteur, à l’exception de quelques éléments de l’ancien orgue Puget adaptés et incorporés dans le nouvel instrument. Chaque jeu a été pensé à la fois pour être utilisé en solo et s’incorporer à un ensemble. Pour cela, l’utilisation de paramètres variables a été exploitée : progression des tailles de la basse vers l’aigu, largeurs de bouche variables selon les tessitures d’un même jeu, entailles de timbres ou jeux coupés au ton, bouches arquées ou droites… La tuyauterie neuve a été réalisée en alliage à 80% d’étain à l’exception des bourdons et des anches en alliage à 40% d’étain. Tous les pieds – à l’exception de la façade sont aussi en alliage à 40% d’étain.

Fonds

Le sommier des Fonds comporte un ensemble de jeux de fonds 16’, 8’ et 4’ complété d’un grand plein jeu progressif scindé en deux registres de Fourniture harmonique 1 à 2 rangs (résultant en 16’ et 32’), et de Plein jeu harmonique 3 à 6 rangs. Ce clavier est dominé par une puissante Montre 8’ de très grosse taille, cuivrée dans la basse et le médium, presque flûtée dans les dessus. La Flûte d’orchestre 8’ est elle aussi de taille énorme ! Contrairement à ce que l’on peut entendre habituellement, le timbre est identique sur toute l’étendue du registre, ce qui impose de très grosses tailles dans le médium et dans la basse. Ce jeu, muni d’entailles de timbre, a été traité de manière très ascendante, en plein vent dans les dessus. Un Bourdon 16’, de taille imposante, assure un solide soutien à l’ensemble des fonds, éclairé par un robuste Prestant 4’. Enfin, une mention particulière pour les deux registres de Plein-Jeu dont les tailles très étroites dans la basse deviennent légèrement larges dans les dessus, lui conférant un effet carillonnant.

Fonds (à gauche le Plein Jeu 4 à 8 rangs)

Solo expressif

Le Solo permet les mélanges habituels d’un clavier de Récit complété d’un Nasard 2’ 2/3 et d’une Tierce 1’ 3/5 afin d’étendre le répertoire possible à celui des compositeurs du 20ème siècle (Tournemire, Alain, Duruflé, Messiaen, etc.) et au-delà... La présence d’un Diapason 8’ permet également d’utiliser ce plan sonore comme un Positif et d’obtenir ainsi, avec le secours du combinateur, trois plans sonores : Flûte et Hautbois du Grand-Chœur, fonds 8’ du Solo, fonds 8’ du sommier des Fonds, pour évoquer une registration chère à César FRANCK…Le registre de Voix humaine 8’ a été placé sur ce sommier afin d’être mélangé au Cor de Nuit 8’, à la Gambe 8’ et à la Voix céleste 8’ (mélange caractéristique d’un Alexandre GUILMANT ou d’un Charles TOURNEMIRE), ou d’être encanaillé par les jeux de mutations ! L’ensemble est complété d’un tremblant dont la vitesse des battements est modifiable par l’organiste depuis la console, en fonction de l’utilisation qui en est faite.

Fonds - A l'arrière : Grand-Chœur expressif

Grand-Chœur expressif

A la fois plan soliste et complément des deux autres et de la Pédale, le Grand-Chœur possède l’étendue inhabituelle de 73 notes au sommier, soit un ravalement d’une octave vers le grave, atteignant ainsi le 16’ réel.

Accouplé sur le premier clavier, il permet d’obtenir un grand chœur en 8’, puis en 16’ par introduction de l’accouplement d’octave grave. Il est également possible de jouer le grand chœur en 8’ au manuel et en 16’ à la pédale au moyen de la tirasse en 16’. De la même manière, la Flûte traversière 8’, au timbre velouté, fournira un complément réel de 16’ et 8’ au clavier de Pédale. Par accouplement sur le Solo, elle permet d’obtenir un ensemble complet de fonds de 8’ (Diapason, Gambe, Cor de nuit, Flûte traversière) répondant à celui du sommier des Fonds. La contre octave de la Flûte traversière est constituée de deux rangs de tuyaux, un 16’ bouché et un 8’ ouvert très doux donnant à la fois couleur et promptitude. Ce jeu, coupé au ton, est accompagné d’une Voix angélique 8’ ondulante susceptible d’accompagner, par exemple, les mutations du Solo. Un tremblant doux vient donner un peu de tendresse à la Flûte traversière 8’ et au Basson-Hautbois.

Anches du Grand-Chœur

Pédale

Les jeux de Pédale sont, pour la plupart, empruntés sur le sommier des Fonds à l’exception de la basse de 32’ et du Corno dolce 4’ propres à ce clavier. Cette pratique, relativement répandue au début du 20ème siècle, résulte à la fois de l’exiguïté du buffet et de la volonté de proposer une palette de jeux inhabituelle sur un instrument de cette taille. Il importe de rappeler que le Grand-Chœur avec son ravalement et ses deux tirasses en 8’ et 16’ s’affirme comme un véritable complément de la Pédale. Le Bourdon 32’ n’est réel qu’au deuxième do, sa première octave faisant entendre deux tuyaux à la quinte l’un de l’autre. Le Corno dolce 4’, jeu soliste, est d’une forte progression, de taille moyenne dans la basse pour bien dessiner, il devient très large dans l’aigu avec beaucoup de portée.

Tuyaux de bois (à l'arrière le Solo expressif)

L’harmonie générale de l’instrument a été traitée avec grande puissance pour s’affranchir de la situation défavorable de l’instrument en retrait derrière un arc, véritable obstacle à une bonne diffusion de la sonorité. Toutefois cette puissance n’a jamais été pensée au détriment du velouté propre aux instruments de cette période. Les pressions ont été fixées à 115 mm de colonne d’eau au sommier des Fonds, et à 140 mm au Solo et au Grand-Chœur.



Il importe de rendre hommage au facteur d’orgues qui, indépendamment des obligations strictes auxquelles il était tenu, a apporté de son plein gré à l’instrument des additions et des modifications importantes qui en ont considérablement augmenté les ressources et la valeur. Ces additions et modifications sont les suivantes :

Fonds : les trois jeux de Montre 8’, Salicional 8’ et Prestant 4’ ont été placés sur un sommier spécial, immédiatement derrière la façade de l’orgue. Ceci a nécessité, outre le sommier lui-même de réaliser un abrégé supplémentaire et le tirage de notes qui en découle. Le Plein-Jeu progressif initial a été scindé en deux registres de Fourniture harmonique et Plein jeu harmonique.

Solo : le dessus de Cornet 5 rangs du devis a été remplacé par deux jeux complets de Nasard 2’ 2/3 et Tierce 1’ 3/5.

Grand-Chœur : Il a été ajouté un jeu de Voix angélique 8’ afin de disposer d’un second ondulant, susceptible d’accompagner les jeux de mutations du Solo ou de répondre à la Gambe et à la Voix céleste.

Pédale : Il a été ajouté un jeu de Bourdon 32’ (résultant dans sa première octave) afin de donner une assise hors du commun sur un instrument de cette taille.

Mécanique : L’orgue était initialement prévu avec un clavier assisté par machine Barker et un clavier entièrement mécanique. Il a été ajouté une seconde machine afin de pouvoir disposer d’un grand confort de toucher sur les deux claviers de l’instrument.

Alimentation : Un soufflet primaire a été ajouté aux quatre réservoirs existants afin de donner une plus grande stabilité au vent, condition absolument indispensable sur un instrument de ce type.


4. – BUFFET



Le charmant buffet, œuvre de Jean-Baptiste PUGET a été entièrement démonté, les strates successives d’épais vernis supprimées. L’ensemble a été soigneusement restauré, adapté pour l’installation de la nouvelle console en fenêtre, remis en teinte et vernis. Il a été remonté et avancé sur la tribune afin d’offrir suffisamment d’espace pour pouvoir librement circuler à l’intérieur de l’instrument.


5. - L’ATELIER DE FACTURE D’ORGUES



Entreprise individuelle, fondée en 1984 par , elle est actuellement composée d’une équipe stable de huit personnes travaillant dans un atelier parfaitement équipé tant pour le travail du bois et des parties mécaniques que pour la restauration et la fabrication des tuyaux en métal.

La plupart des personnes travaillant sous la direction de ont été formées au métier de facteur d’orgues dans l’atelier même, constituant ainsi une équipe extrêmement cohérente et possédant la grande souplesse technique nécessaire pour s’adapter aux différents styles, méthodes et techniques auxquels elle se trouve confrontée. Elle peut ainsi aborder des chantiers importants, tant en construction d’instruments neufs qu’en restauration, et réaliser des ouvrages d’une unité et d’une qualité dont la réputation a depuis longtemps dépassé les frontières de Midi-Pyrénées !

Considérant qu’un orgue est un tout homogène, l’atelier s’attache à concevoir, réaliser ou restaurer toutes les parties de l’instrument, qu’il s’agisse de charpente, menuiserie, ébénisterie, sculpture, dorure, décoration, mécanismes en bois et en métal, coulée et rabotage des feuilles de métal pour les tuyaux, harmonisation et accord. L’harmonisation finale des instruments est réalisée sur place afin d’obtenir la meilleure adéquation possible de l’instrument à l’acoustique de l’édifice où il va résonner.

Orgue de Guignicourt (02)

Parmi les principales réalisations de l’atelier, on peut citer les instruments neufs de Bouc Bel Air (II, 16 jeux baladeurs) Guignicourt (II, 17 jeux baladeurs), Naucelle (II, 16 jeux baladeurs), Abbaye bénédictine Notre-Dame du Pesquié (II, 14 jeux), Conservatoire National de Région de Toulouse (III, 10 jeux), et les restaurations de Saint-Vincent de Carcassonne (III, 45 jeux), Muret, (II, 24 jeux), Lagrasse (II, 24 jeux), Marmande (II, 23 jeux), Rivesaltes (II, 21 jeux)… Signalons enfin que l’atelier vient de se voir confier la restauration du Grand-Orgue Joseph MERKLIN (1857) de la cathédrale de Murcie (Espagne) (IV, 63 jeux).

Ont participé à la réalisation de l'instrument :

Olivier ANNARUMMA, Nadine CASSAGNE (décoratrice), Léa MALVY, Gabriel NENCIOLI, Julian PUYO, Rémy RIVOIRE, André SIMÉON, Marie THARSILE, Georges THIBAUD.

La conception artistique de l'instrument a été réalisée en collaboration avec Jean-Claude GUIDARINI.


Machine Barker


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Composition de l'orgue du Temple du Salin
 

Fonds (61 notes : Do1 – Do6)    

Bourdon 16’  
Montre 8’  

Bourdon 8’  

Flûte d’orchestre 8’  

Salicional 8’  

Prestant 4’ 

Flûte douce 4’ 

Fourniture harmonique
(32’) 1 à 2 rangs 

Plein jeu harmonique
(8’) 3 à 6 rangs

 

Solo expressif (61 notes : Do1 – Do6)  

Diapason 8’ 
Cor de nuit 8’ 
Viole de gambe 8’ 
Voix céleste
 8’ 
(Do2) 
Flûte octaviante 4’ 
Nasard 2’ 2/3
Octavin 2'
Tierce 1’ 3/5

Voix humaine 8'

Grand-Chœur expressif (73 notes au sommier : Do-1 – Do6)

Flûte traversière 8’ (16’) 
Voix angélique 8’ 
(Fa2)
Basson-Hautbois 8’
(16’) 
Trompette harmonique 8’
(16’)
Clairon 4’
(8’)

 

Pédale (32 notes : Do1 – Sol3)

Bourdon 32’
Soubasse 16’ 

Flûte 8’

Basse 8’

Corno dolce 4’


Accouplements, tirasses et accessoires


Pédalier

Fonds / I 
Octave grave Fonds / I
Fonds / II

Solo / I
Octave grave Solo / I
Solo / II

Grand-Chœur / I
Octave grave Grand-Chœur / I
Grand-Chœur / II

Tirasse Fonds 
Tirasse Solo 
Tirasse Grand-Chœur
Tirasse à l'octave grave Grand-Chœur

Tremblant ajustable Solo
Tremblant Grand-Chœur

Expression Solo
Expression Grand-Chœur

Crescendo programmable
Appel Plenum programmable
Appel Tutti programmable

Traction mécanique des notes avec machine Barker pour les deux claviers.
Traction mécanique des notes pour la Pédale.
Traction électronique avec combinateur Joël PÉTRIQUE à lecteur de cartes pour le tirage des jeux.

Plein Jeu (à l'avant : le sommier de Montre)

Composition des mixtures :

Do1 Do2 Fa2 Do3 Fa3 Fa4 Fa 5
1 1 1 1 1 1 1/3 2
1 1/3 1 1/3 1 1/3 1 1/3 1 1/3 2 2 2/3
2 2 2 2 2 2 4
2 2/3 2 2/3 2 2/3 2 2/3 2 2/3 2 2/3 4

4 4 4 4 4 5 1/3



5 1/3 5 1/3 5 1/3 8




8 8 10 2/3





10 2/3 16







Plein jeu harmonique 3 à 6 rangs


Fourniture harmonique 1 à 2 rangs


 

Buffet - Plate-face centrale


Photos : Jean-Claude GUIDARINI
(Photo de l'orgue de Guignicourt : Jean DALDOSSO)

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